Négociez… mais pas trop quand même !

Les accords collectifs peuvent désormais modifier la situation réglementaire des agents. Drôle de Big Bang au moment où les collectivités territoriales sont empêchées de négocier librement sur le temps de travail.   Passée relativement inaperçue en pleine pandémie, l’ordonnance du 17 février 2021 bouleverse l’élaboration de la norme dans la Fonction Publique. Désormais, les accords collectifs peuvent édicter des mesures réglementaires s’appliquant directement aux agents.   Cette volonté gouvernementale de passer d’une logique statutaire à la contractualisation, en important toujours plus les principes du droit privé du travail dans la Fonction Publique, se double d’une volonté contradictoire de garder la mainmise sur les aspects budgétaires et sur les fonctions publiques territoriales et hospitalières.   Résultat : le droit de la négociation collective dans la Fonction Publique en ressort étrangement corseté.  
  Touche pas au grisbi !   Tout ce qui touche à l’évolution des rémunérations et du pouvoir d’achat des agents publics ne se négocie qu’au niveau national, sous la houlette du gouvernement, et les accords en résultant ne peuvent pas produire d’effet juridique. Alors que l’objectif est de renforcer la négociation collective, en permettant de façon inédite aux accords négociés à tous les niveaux de la Fonction Publique d’édicter des mesures réglementaires, de puissants verrous sont posés.   Au niveau local, il sera bien possible de négocier, avec une portée juridique contraignante, sur le déroulement des carrières, la promotion professionnelle ou encore les modalités de mise en œuvre des politiques indemnitaires. Mais les accords ne seront validés que si papa ministre chargé du Budget et maman ministre chargée de la Fonction Publique sont d’accord.   Au final, quelles marges de négociation reste-t-il aux organisations syndicales ? Ah si, elles peuvent négocier sur le temps de travail, thème qui fait dorénavant partie des quatorze domaines de négociation consacrés par la loi comme pouvant avoir des effets juridiques.   Quoique… pas vraiment, comme le montrent les récentes décisions des tribunaux administratifs à l’encontre de la Mairie de Paris ou de communes de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne qui avaient osé proposer des dispositions plus favorables sur le temps de travail que les 1 607 heures prévues par la loi.   Bon, bah, elles peuvent toujours négocier sur le télétravail, la lutte contre le changement climatique, l’apprentissage ou l’accompagnement social des mesures de réorganisation des services (plan social en langage non aseptisé). Bref, tant que ça ne coûte rien ou que ça permet de dégraisser, vous êtes totalement libres de négocier… Décidément, un drôle de Big Bang !   Allons-nous laisser faire et ne pas réagir ?   A noter : La bataille judiciaire continue puisque le tribunal administratif de Melun a accepté de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par des communes du Val-de-Marne sur le fondement de la non-conformité de l’article 47 de la loi du 6 août 2019 (temps de travail) avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, à suivre…